Depuis le début des années 90, l’Italien Alessandro Manetti a marqué le plus haut niveau de la Compétition karting. Trois fois Champion d’Europe FIA Karting entre 1991 et 2007, double Champion du Monde FIA Karting en Formule A et Formule Super A, son talent et le soin avec lequel il a entretenu sa forme physique lui ont permis de rester au sommet durant de nombreuses années aussi bien dans les catégories à prise directe qu’au volant d’un kart à boîte de vitesses pour différentes marques. Il a créé son propre team, Manetti Motorsport, en 2018, obtenant depuis l’an dernier des résultats très convaincants avec des pilotes de plus en plus nombreux. Lors d’un entretien réalisé peu après la mi-juin 2020, il partage de ses inquiétudes en tant que responsable d’un team privé.
Alessandro, comment avez-vous affronté la période de confinement ?
Personnellement, j’ai la chance d’être en bonne santé et aucun de mes proches n’a été touché par la maladie. Mais sur le plan professionnel, en tant que team manager, j’ai très mal vécu cette période, comme beaucoup de mes collègues. La plupart de mes pilotes sont étrangers, originaires d’Amérique notamment, et cela devient très compliqué. La fermeture des frontières ne leur permet plus de venir rouler en Italie pour l’instant. C’est très difficile sur le plan financier depuis le mois février. Nous n’avons aucune rentrée d’argent lorsque nous ne faisons pas de course. Certains pays voisins comme la France ont pu venir en aide aux entreprises, mais cela n’a pas été le cas de la même manière en Italie.
Est-ce que la reprise progressive vous permet de repartir ?
Depuis quelque temps, la situation sanitaire s’est améliorée et les circuits ont rouvert pour les entraînements. Mais nous n’avons pas pour autant repris notre activité puisque nous n’avons pas de pilotes. Je suis revenu en piste pour la première fois à la mi-juin avec un seul pilote, le Français Luca Bosco, qui a profité de la récente ouverture de la frontière franco-italienne. Il est pratiquement impossible de trouver des pilotes en Italie en ce moment. On sent bien que beaucoup de personnes font face à de nouvelles difficultés financières et que le karting n’est pas leur priorité.
Comment se présente l’avenir de votre équipe ?
J’essaie toujours d’être positif, de garder un certain optimisme pour l’avenir. Il faut pourtant se rendre à l’évidence, les perspectives ne sont guère réjouissantes dans la situation actuelle. C’est la première fois que le milieu de la compétition karting est confronté à un contexte aussi difficile. Comme beaucoup d’autres équipes privées, je cherche une solution sans y parvenir. Actuellement, les projets que nous avions avec les pilotes Nord et Sud-Américains qui nous faisaient confiance depuis l’an dernier, sont tombés à l’eau. Heureusement nous allons sans doute réussir à faire rouler Luca Bosco, le fer de lance de notre équipe, dans un team officiel. J’ai quelques espoirs pour le mois de septembre si les déplacements sont de nouveau possibles depuis l’autre côté de l’Atlantique.
Mais le mois de septembre est encore loin et les conséquences d’une interruption d’activité de plus de six mois seront lourdes. Je m’accroche sans l’aide de personne, je fais tout ce que je peux pour tenir jusque-là, tout en sachant que l’issue est incertaine. Les fabricants de châssis et de moteurs sont dans une meilleure position face à la crise. C’était déjà devenu de plus en plus compliqué de faire tourner un team privé depuis quelques années à cause de la concurrence croissante des équipes officielles ou soutenues directement par les usines. Maintenant cela risque de devenir impossible.
Quelle alternative envisagez-vous ?
Je réfléchis à réorienter mon activité. Je peux bien sûr faire du coaching, mais je préférerais être en charge d’une équipe officielle en catégorie Mini par exemple. J’aime bien travailler avec les jeunes. Ils ont tout à apprendre et je peux les faire profiter de ma double expérience de pilote de haut niveau et de team manager pour leur inculquer de bonnes bases. Il faut aussi savoir les motiver, eux et leur famille, pour leur donner envie de continuer le plus longtemps possible dans les catégories supérieures, Junior, OK ou KZ2.
À propos de la catégorie Mini, mon avis est qu’elle devrait rester au niveau national avec un matériel moins coûteux à faire rouler. Telle qu’elle est pratiquée de manière “internationale“, la 60 Mini nécessite des budgets élevés, pas si éloignés de ceux du Junior. Les pièces et les pneus sont onéreux, il faut louer les moteurs à un préparateur et beaucoup s’entraîner. Je regrette que la sélection se fasse plus sur les moyens financiers que sur la réelle valeur des pilotes. À mon humble avis, ce n’est pas un service à rendre aux jeunes pour leur avenir et cela n’aide pas à la pérennité du karting. On ne voit pratiquement plus de père qui vient faire rouler son fils sans l’appui d’une structure, et c’est bien dommage, car c’était une belle expérience à vivre en famille.
Interview FIA Karting / Photo © KSP